A LA RENCONTRE DU CIGARE CUBAIN

Le cigare cubain, tout un mythe ! Depuis des décennies et l’interdiction, transformée en restriction, d’exportation, les cigares cubains sont un fantasme pour nombre de personnes : les amateurs de cigares bien sûr, mais pas uniquement. Tous les visiteurs de Cuba veulent leur photo avec un cigare à la bouche, veulent en acheter et les ramener, presque comme un trophée. Et il est vrai, sans être connaisseur, qu’on se laisse facilement prendre au jeu de fumer un cigare en buvant un rhum entre amis. En particulier, fumer dans une cave à cigare basse de plafond, aux poutres apparentes et à l’ambiance intimiste, dans une pièce presque cachée d’une maison coloniale transformée en hôtel, et cela en compagnie d’un photographe de l’autre bout du monde à discuter, est une expérience pleine de charme.

Vous prendrez bien un cigare ?

Mais le cigare ce n’est pas que cet objet couleur terre qui sent extrêmement fort, bien disposé dans une belle boite en bois. C’est aussi toute une économie et tout un savoir-faire. Des champs de tabac de Viñales aux caves de La Havane, en passant par les fabriques où les feuilles sont roulées, le processus est rodé depuis des générations. De ce parcours, nous voulons aujourd’hui vous emmener dans les plantations,et garderons pour plus tard la découverte d’une fabrique de cigare (dans lesquelles il est impossible de prendre des photos, ce qui ne facilite pas la tâche !) et des plus belles cave de la capitale.

Paysan rencontré lors d’une virée dans la vallée de Vinales.

Suivez nous donc dans la région de Pinar del Rio, et plus particulièrement à Viñales, une vallée nichée entre des blocs rocheux abrupts (les Mogotes) qui donnent à ces lieux tout leur charisme, avec ces falaises noires sortant de la forêt dense, mais aussi son climat, puisque les nuages s’accrochent ici aux montagnes et arrosent abondamment la vallée.
Viñales est devenue depuis quelques années une destination phare du tourisme, les « casa » (chambres d’hôtes) s’étant multipliées, et pourtant, ce petit village a su garder un côté authentique, du moins si l’on se donne la peine de visiter un peu l’envers du décors (c’est à dire si on s’éloigne de la rue principale qui traverse le village et des quelques « attractions » bien pensées comme la visite d’une soit-disant maison du tabac où l’on fait quelques démonstrations moyennant pourboire et achat de cocktails) et surtout de discuter avec les habitants, à la fois adorables et distants, pour beaucoup, comme s’ils prenaient un peu de recul avec ce tourisme qui a l’air de les déboussoler, même s’ils en retirent des profits qui ont changé leurs vies.

La vallée de Vinales entourée par les Mogotes à Cuba

Viñales, vallée du tabac

Pour mieux appréhender cette région et ses habitants, nous y sommes allés….souvent ! 4 ou 5 fois au moins ! C’est le privilège de vivre ici : nous partons prendre l’air pour le week-end dans la vallée. Cela nous a permis d’abord de bien connaître les lieux, mais aussi de revoir plusieurs fois certaines personnes et donc d’avoir des échanges plus approfondis avec elles, comme cela nous a aussi permis de voir différentes périodes de la vie de la vallée : la période creuse où l’on prépare les terres, la plantation des plants, et enfin la période des récoltes.

Plantation des feuilles de tabac dans la vallée de Vinales à Cuba

Viñales, c’est donc avant-tout, pour nous, une balade dans les champs de tabac à la rencontre des paysans et un passage par un séchoir pour discuter avec le chef de famille qui explique aux visiteurs comment se passe le cycle du tabac avant de lui vendre quelques cigares faits maisons et, quand on le connait, qui nous en dit un peu plus sur le fonctionnement de ce « business » autour d’un verre de rhum !

Paysan retirant les mauvaises herbes de son champ

Le tabac est planté dans la période de Novembre à Décembre, et nécessite 4 mois pour pousser. C’est pendant cette période que les autres plantations sont cultivées, alors que les champs de tabac sont entretenus en enlevant les mauvaises herbes. Ce qui est formidable ici, c’est la manière de travailler : les paysans sont à l’écoute de leur terre qu’ils travaillent sans pesticides et avec des moyens ancestraux : la force de bœufs pour tirer les charrues et le savoir des hommes pour les mener.

Vient ensuite la saison des récoltes de février à mars: c’est une période faste, l’ambiance est festive bien que le travail soit long et difficile. Il faut tout faire à la main : la coupe, le transport, le tri, le stockage des feuilles…

Feuilles de tabacs récoltées

Des champs de feuilles de tabac et les séchoirs au loin

Un processus bien rodé

Sans rentrer dans tous les détails (nous vous rappelons ici que nous vivons sur place et sommes tenus de garder une certaine neutralité…et oui !), une partie des récoltes de tabac part dans le circuit officiel, à savoir les séchoirs et les fabriques d’état, et serviront à faire toutes les marques les plus connues : Cohiba, Partagas, Roméo et Juliette…et d’autres !

Le reste est conservé par les familles de récoltant pour leur production personnelle : séchoirs artisanaux dans les plantations et procédé naturel. Le tabac est fermenté grâce à un mélange de fruits, de vanille, de cannelle, de miel et « d’aguardiente », un rhum artisanal, le tout cuit comme une infusion, qui est aspergée sur les feuilles de tabac avant de les enfermer dans une feuille de palmier où elles vont lentement sécher pendant 3 à 5 mois. Ces feuilles seront ensuite roulées pour vendre quelques cigares aux visiteurs : elles sont collées avec du miel, miel qui sera également appliqué sur les lèvres du fumeur pour les protéger et adoucir le goût.

Roulage d’un cigare

Paysan roulant un cigare sur sa cuisse (on est loin du fantasme de la cubaine !)

Le cycle du cigare s’arrête là à Viñales : il est temps de replanter pour lancer une nouvelle saison de récolte. En parallèle, les feuilles envoyées dans les circuits officiels sont elles aussi triées puis fermentées selon un processus plus industriel avant d’être séchée dans les grands séchoirs de la région. Elles partent ensuite dans les fabriques où elles subiront un nouveau tri : chaque modèle de cigare est fait avec une composition particulière de feuilles, avant d’être roulées par des mains expertes selon un gabarit bien précis….mais ce sera l’occasion d’un nouvel article, si nous arrivons à avoir l’autorisation de faire des photos !